Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/529

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Comme herbes qui se font douteusement priser,
Qu’on voit guarir d’un mal, et d’autres en causer.
C’est un digne sujet de triomphe et de gloire
Que de gaigner par force une illustre victoire,
Couvrir de morts la terre, en faire un rouge estang,
Et mirer sa vaillance en des fleuves de sang :
Mais qu’est ce tout cela fors autant de carnages
Dignes de la fureur des lyons plus sauvages,
Sinon lors que le droit du fer victorieux
En rend la cause juste et l’effect glorieux ?
Et quoy, ces palmes-là dans le sang si plongees,
Se cueillent-elles pas és terres saccagees
Par les feux de la guerre épris de tous costez
Sur la face des champs tristement desertez ?
Ô sanglante vertu qui n’a lieu qu’en la guerre,
Et lors que cent mal-heurs ravagent par la terre !
Donc de peur que l’acier dont son flanc est armé
Ne roüille en son fourreau trop long temps enfermé,
Il faut voir en pleurant les provinces desertes
Monstrer de tas de morts leurs campagnes couvertes,
Les cités et les bourgs à toute heure embrasez,
Les plus fertiles champs au pillage exposez,
Et le peuple innocent qui n’a recours qu’aux larmes,
Tomber comme immolé sous le tranchant des armes !
Certes, noble fureur des esprits courageux,
L’effroyable theatre où s’exercent tes jeux
Couste trop au public : tes palmes sont trop cheres ;
Et ta gloire chemine entre trop de miseres,
De perils, de douleurs, de travaux, de trespas,
Et d’accidents mortels dont tu ne destruits pas
Tes ennemis sans plus, ou leurs champs et leurs villes,
Mais ceux mesmes qui sont tes vivants domiciles.
Aussi de quels effets, autres que malheureux,
Ont remply l’univers mille roys valeureux
De qui tant de combats font bruire la memoire,
Qu’il faut avec du sang escrire leur histoire ?
Ils ont rendu leur nom un sujet de terreur :
Comblé les plus doux champs de ruïne et d’horreur :