Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/532

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Ny toy-mesme Eumenie, encor que l’on te vante
Pour estre parmy nous l’image plus vivante
De la bonté celeste, et l’unique rempart
De ceux qui contre moy n’en ont en nulle part ;
Si ne te peux-tu dire exempte de la suitte
Des maux à quoy souvent l’indulgence est reduitte.
Car en trop pardonnant, les crimes tu nourris :
Perds les membres entiers pour sauver les pourris :
Et peuplant les citez d’ennemis domestiques,
Convertis tes pardons en outrages publiques.
Mais moy, par les effects d’une juste rigueur,
Je maintiens et les loix et tout ordre en vigueur :
Fais que les roys sont craints et cheris tout ensemble :
Que rien fors le meschant sous leur sceptre ne tremble :
Que le peuple qui chante au giron de son bien,
Sans crainte qu’un plus grand luy ravisse le sien,
Les benit, les adore, et sans idolatrie,
Croit les pouvoir tenir pour dieux de la patrie :
Bref que rien ne peut rendre un regne bien-heureux
Que la terre n’esprouve et sous eux, et par eux.
Car tel comme s’esleve un grand fresne sauvage
De qui la seule odeur, voire le seul umbrage
Fait mourir les serpents qui l’osants approcher,
Se vont dessous son ombre ignoramment coucher :
Tels se monstrent les roys aux couleuvres du vice,
Quand ils ont declaré la guerre à l’injustice ;
Et font regner mes loix avec autant de soin,
Qu’ils ont soin de tenir leur sceptre dans le poin.
Nul rebelle dessein ne peut prendre naissance,
Ou prosperer és lieux soubmis à leur puissance :
Et la faveur du ciel leur accorde en payment
D’avoir fait sous les loix trancher également
Le fil de mon espee en leurs champs et leurs villes,
Qu’ils n’usent point la leur en des guerres civiles.
Car