Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/533

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 le peuple qui sent combien sous leur grandeur
Il gouste et de repos, et de franchise, et d’heur,
Qui les tient pour ses dieux, et mesure à leur vie
La longueur du bon-heur dont la sienne est suivie,
Veille pour leur salut, et ne peut endurer
Que rien ose contr’eux meschamment conspirer,
Non plus que contre l’heur et le salut publique,
Dont il croit leur justice estre la source unique.
Aussi ne ressent-il, des plus rares vertus
De qui les justes roys peuvent estre vestus,
Que le fruict de moy seule, et ce soin équitable
De ne charger son dos que d’un faix supportable.
Ils ont beau se monstrer doux en leur majesté,
Valeureux, liberaux, fameux en pieté,
Prudents, et d’un esprit que nul mal ne surmonte ;
S’ils manquent de moy seule, il n’en fait point de conte :
Ny ne les ayme point, et ne fait qu’escouter
Si leur mort quelque part s’oyra point reciter.
Au lieu que s’occupans en mes saincts exercices,
Encor qu’ils soient d’ailleurs tachez de quelques vices,
Il les tient pour parfaicts, et quoy qu’ose le sort
Garde, en les benissant, leur nom apres la mort
Au sein de la memoire, et de l’amour publique,
Ainsi qu’une sacree et vivante relique.
Tesmoin ce brave Rou, ce grand duc des normans,
Qu’encor d’un cry public tous les jours reclamans,
Ils nomment au milieu du tort qui les oppresse,
Comme s’ils invoquoient sa dextre vangeresse.
C’est pourquoy desormais, ô roys qui souhaittez
De voir vostre beau nom voller de tous costez,
Et de laisser de vous quelque illustre memoire
Qui serve incessamment de vie à vostre gloire :
N’estonnez point icy les plus superbes yeux
De palais tous de marbre eslevez jusqu’aux cieux :
N’y n’allez point mesler, par les mains de la guerre,
Le sang avec le feu, le ciel avec la terre,
Exposants vostre vie à mille maints perils
Qui ne vous rendront point plus grands ny plus cheris :