Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/550

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Et que l’heur eternel de vostre longue vie
Soit l’eternelle mort des desseins ennemis.
L’ennemy tout dépit de voir nos troubles calmes,
Voulant que nos cyprés luy produisent des palmes,
(quoy qu’un juste remords luy serve de bourreau)
Peut-estre entre les pleurs dont la France est trempee,
Enflé d’un vain espoir fera luire l’espee
Que la seule frayeur colloit à son fourreau.
Mais il n’y gaignera contre vostre conduitte
Rien que perte és combats, rien que honte en la fuitte :
Car il recevra lors, comme Cyre autrefois,
Un plus honteux sujet d’avoir la vie en haine,
D’estre en guerre battu par les mains d’une reine,
Que par celles d’un roy qui battoit les grands roys.
Ainsi soit, digne reine, afin qu’en ceste joye
Mon cœur seichant les pleurs dont la source le noye,
L’aise face fleurir sous un plus heureux sort
Les paroles qu’en moy l’ennuy tient étouffees,
Et que je chante mieux l’honneur de vos trophees,
Que saisi de douleur je n’ay pleuré sa mort.
Mort de qui le mal-heur toutes plaintes excede :
Mort qui fait souhaitter la mort pour un remede,
Et qui semble icy bas tant de maux attirer,
Qu’il falloit, dés le jour qu’on la voulut dépeindre,
Estre autant éloquent pour dignement la plaindre,
Qu’extrémement méchant pour l’oser procurer.
Cependant preservez des coups de tout orage
Ce sacré lys royal, fleuron de son courage,
Le couvrant d’oliviers grands et plantez épaix :
Et pour le voir bien tost fameux dans les histoires
Semez-luy d’une main preparee aux victoires,
Des graines de laurier dans le champ de la paix.
Car les sages conseils en sont les vives graines,
Avec ces ornements des fortunes humaines,
La valeur, l’équité, la prudence, et la foy.
C’est de ces vertus-là qu’il faut qu’on le renomme :