Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/576

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Vantez-vous que de grace, et non pas par envie,
Le ciel voyant le sort attenter à leur vie,
Pour courre leur fortune a voulu vous choisir :
Dressez-en un trophee au temple de memoire,
Et que vostre peril se convertisse en gloire,
Ainsi que vostre peur s’est changee en plaisir.
La France en cependant payra la digne offrande
Des vœux que le devoir sans parler luy demande,
Pour tesmoings eternels de son juste soucy,
Faisant graver ces vers aux bases de l’ouvrage :
" pour l’empire françois guaranty du naufrage,
Que tout vœu se prosterne aux pieds de cestuy-cy. "

DU CONTENTEMENT QUE L’ON REÇOIT

Mon esprit honoré de vostre obeïssance,
Ne doit point se douloir de sa captivité :
Vostre service estoit la fin de ma naissance,
Et la fin d’un chacun est la felicité :
Mon ame est de vos laqs si doucement pressee,
Qu’il n’est point de tourment que je n’y trouve doux :
Et ne m’estime heureux que lors que ma pensee,
Me ravit hors de moy, pour aller vivre en vous.
Aussi la beauté mesme en vous seule reserre,
Pour la gloire d’amour, les delices des dieux :
Mon ame vit en moy comme l’on vit en terre,
Mais elle vit en vous comme l’on vit és cieux.
C’est pourquoy benissant la cause de ma prise,
Et l’heure où me perdant je cessay d’estre mien,
Je ne regrette point ma premiere franchise,
Puis que ma servitude est ma gloire et mon bien.