Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/74

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Aujourd’huy le Monarque et Sauveur des humains
Fait son entree au monde, apportant en ses mains
Les sainctes clefs du Ciel pour en ouvrir les portes :
Aujourd’huy le salut se presente aux perdus,
Le remede aux blessez, la rançon aux vendus,
La voye aux esgarez, la vie aux ames mortes.

À ce coup nostre chair est unie à son Dieu,
Et les extremitez conjointes sans milieu,
Pour affranchir nostre ame à l’Enfer asservie :
À ce coup l’œuvre mesme a produit son autheur,
L’injuste prisonnier son juste Redempteur,
Et l’arbre de la mort le doux fruit de la vie.

Le voicy qui desja souffrant pour le peché
Plore dans une creiche où foible il est couché,
Bien qu’il soit en puissance egal à Dieu son pere :
Car pour n’esblouïr point nos yeux de sa splendeur,
Sous nostre petitesse il cache sa grandeur,
Naissant non en sa gloire, ains en nostre misere.

Regardez quels effects d’ardente charité !
L’eternelle splendeur se vest d’obscurité,
Afin que moins luysante elle nous illumine :
Dieu se fait fils de l’homme, et sur terre descend,
Afin qu’en la vertu de son sang innocent
L’homme fait fils de Dieu sur les astres chemine.

Mortel, qui vois icy ton sauveur nouveau né
Gisant si pauvrement, n’en sois point estonné :
Ce n’est pas impuissance, il luy plaist ainsi naistre :
Il a le mesme bras dont les cieux il voutoit,
Car il ne cesse pas d’estre ce qu’il estoit,
Mais ce qu’il n’estoit point il commence de l’estre.