Page:Bertaut - Les Œuvres poétiques, éd. Chenevière, 1891.djvu/94

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Ô Sion, ô sainct temple autrefois nostre gloire,
Maintenant la douleur dont ma triste memoire
Va, comme d’un cousteau, mon ame outreperçant,
Qu’un eternel silence à ma langue se lie,
S’il advient que jamais vos ruines j’oublie,
Quelque ennuy que mon cœur reçoive en y pensant.

Que ceste main tremblante et ce cœur qui souspire
Die adieu pour jamais aux charmes de ma lyre,
Chassant tout reconfort au loin de mes malheurs,
Si pour quelque accident que le ciel nous envoye,
Vostre affranchissement n’est mon unique joye,
Ainsi que vos liens sont mes seules douleurs.

Mais toy qui nous punis, ô grand Dieu des armees,
Frappe aussi quelque jour ces cruels Idumees
Qui de nos ennemis les fureurs attisoient,
Quand il plouvoit sur nous tant de feux de ton ire,
Que la pitié des maux destruisans nostre empire
Arrachoient des pleurs mesme à ceux qui les causoient.

Saccagez (disoient-ils) ceste ville rebelle ;
Exterminez ses tours, confondans pesle-mesle
Ses plus bas fondemens à ses plus hauts sommets :
Rasez ceste maison de lames d’or couverte,
Luy faisant succeder une plaine deserte
Où le lieu de ses murs soit douteux pour jamais.

Ingrate nation, fiere et perverse engeance,
Le ciel se souvenant aux jours de sa vengeance,
D’un si cruel arrest contre nous prononcé,
Face aux âges futurs cognoistre en ton supplice,
Combien est déplaisant à l’oeil de sa justice
L’esprit qui prend plaisir d’opprimer l’oppressé.

Et toy, fiere Babel, superbe vainqueresse,
Bien-heureux soit celuy dont la main vengeresse,