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Page:Berthelot - Discours de réception, 1901.djvu/53

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Pascal n’est peut-être pas un des mieux ordonnés ; mais c’est un des plus fins, des plus agréables, et, disons-le, des plus irrévérencieux qui soient. Il ne dissimule ni le fanatisme, d’ailleurs douloureux, de son héros, ni les faiblesses, dépourvues de sourire, de cette âme tragique. Et l’apologie qu’il fait des casuistes est exquise.

La critique de Joseph Bertrand est incisive, volontiers contredisante, extrêmement malicieuse, je n’ose dire taquine. Il y montre un esprit original et hardi, et qui se plaît aux saillies brusques plutôt qu’aux développements suivis et réguliers. On m’a assuré que c’était aussi sa marque dans ses travaux de mathématiques, que ce qui le distinguait, même là, c’était un génie curieux, alerte, soudain dans ses démarches, imprévu dans ses solutions, admirable par une subtilité intuitive et rapide.

Je me suis parfois demandé si, sous cette piquante humeur, qui lui était devenue coutumière, on n’aurait pas retrouvé, en creusant un peu, une plaie secrète : la douleur, stoïquement soufferte, mais, au fond, inconsolable, d’avoir perdu, dans le désastre de 1871, ses notes et ses manuscrits de quinze années, c’est-à-dire, —-qui sait ? —-ce qui eut fait le meilleur de sa gloire scientifique. Le dommage était sans remède.