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VI

MORT DE CLÉOPHAS.


Cléophas battit la semelle pendant une heure dans la cour du bonhomme Sansfaçon.

Il allait se décourager lorsqu’il entendit ouvrir la porte de cuisine.

C’était Bénoni qui sortait.

Cléophas l’accosta dans la rue et lui dit :

— Tu as fait le niochon hier soir. Tu n’es pas venu à notre rendez-vous ?

— La belle affaire ! allons donc. Caraquette vient toujours avec des plans de nègre. Réflexion faite, je ne m’exposerai pas à être coffré en l’aidant à faire fortune.

— Un homme ne doit avoir qu’une parole. En sortant de chez Payette, qu’as-tu promis aux amis ?

— Les amis ! les amis ! j’en ai eu assez. Dans ce monde chacun pour son compte, voilà mon principe.

— C’est facile de parler comme ça, lorsqu’on a volé les camarades.

— Est-ce moi que tu appelles voleur, espèce de lôfeur, restant de pénitencier ?

— Je n’endurerai pas ça de toi, vermine de station de police.

Cléophas alors se débarrassa de sa bougrine, recula de deux ou trois pas et se mit en garde comme un pugiliste.

Son adversaire qui n’avait pas froid aux yeux, en un clin d’œil se trouva en manches de chemise et prit une attitude agressive.

Cléophas dirigea un coup de poing sur la figure de Bénoni, mais celui-ci le para adroitement et riposta par un coup solide dans l’estomac de son ennemi.

Cléophas poussa un soupir caverneux, rompit d’un pas et après avoir recueilli ses forces, s’élança de nouveau sur son adversaire.

Bénoni reçut la nouvelle attaque avec fermeté. Il ne broncha pas d’une ligne.

Le coup l’avait atteint sous l’arcade sourcilière de l’œil droit.

La colère l’emporta. Ses yeux lancèrent des regards fauves et tout son corps eut un tremblement nerveux.

Il fit un saut terrible et tomba à bras raccourcis sur Bénoni qu’il empoigna à la chevelure.

Bénoni se courba et donna un coup de tête dans la poitrine de son ennemi.