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ge et quelque chose de noir entra dans la voiture et tomba sur la figure du vicomte que était endormi sur les genoux d’Ursule.

La bonne mit la main sur cet objet étrange. Elle toucha quelque chose de froid, de velu et de visqueux. Elle poussa un cri déchirant.

— Ô mon Dieu, madame ! Une souris-chaude, une souris-chaude collée sur le visage du petit !

La comtesse poussa un soupir, pâlit et s’évanouit.

Le comte enleva l’oiseau nocturne de la figure de son fils et le jeta hors de la voiture en disant :

— Voilà un sinistre présage !

Vers une heure et demie du matin, le comte et la comtesse traversaient Ste-Thérèse.

Tout le monde y dormait, pas une lumière ne brillait dans le village.

Ils n’entendirent pour tout bruit que les hurlements des chiens éveillés par les roulements du carrosse et alternant avec les notes graves des ouaouarons chantant dans les marais.

Les voyageurs passèrent inaperçus à Ste-Thérèse et s’engagèrent dans la route de St-Janvier.

Rien n’est plus monotone que le trajet entre Ste-Thérèse et St-Janvier.

Une savane longue de six milles sépare les deux paroisses.

La végétation y est sombre et triste, pas un colon n’a encore construit son habitation sur cette route toujours déserte.

Ce chemin s’appelle la Grande Ligne.

Quelquefois les roues s’enfonçaient jusqu’aux moyeux dans une terre forte désagrégée par les dernières pluies, quelquefois le carrosse roulait sur un terrain plus sec et le sable sous le sabot des chevaux s’élevait en épais nuages.

La comtesse cognait des clous.

Le comte sortit sa blague et chargea sa pipe d’écume cernée avec laquelle il tira quelques touches pour opérer une diversion à l’ennui de la route.

Il jeta un regard en arrière de la voiture et s’aperçut qu’il était suivi par quelqu’un monté sur un buck board.

Ce ne pouvait pas être M. Caraquette, car celui-ci conduisait un dog-cart.

Le comte fut rassuré.