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Page:Berthelot - Les mystères de Montréal, 1898.djvu/73

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Cléophas eut des éblouissements. Son œil brillait du feu de la convoitise.

Il y eut dans sa conscience une lutte de peu de durée entre la vertu et la malhonnêteté.

La vertu n’eut pas de fair play et jeta l’éponge.

Cléophas se dit : Cet argent m’appartient parce qu’il n’y a personne pour la réclamer. Comme je ne suis pas malamain je vais laisser $75 pour les frais d’enterrement. Si je nettoyais le portefeuille on pourrait me prendre pour un coquin.

Cléophas fit un inventaire des différents papiers contenus dans le portefeuille.

Il trouva sur l’enveloppe de toutes les lettres le nom du comte de Bouctouche. En lisant plusieurs notes contenues dans un carnet, il apprit que la comtesse de Bouctouche résidait à St-Jérôme, dans le cottage ci-devant occupé par un magistrat de district.

Dans une des lettres de la comtesse, il était question d’Ursule, la servante.

En lisant le nom d’Ursule, Cléophas tressaillit et éprouva une constriction dans le gargoton comme s’il allait étouffer.

En continuant son inventaire il trouva une photographie sur zinc représentant le petit vicomte assis sur les genoux d’Ursule.

Il resta longtemps en contemplation devant l’image de celle qui l’avait porté à oublier ses devoirs conjugaux.

Il prit la photographie et la mit précieusement dans une des poches de sa veste.

Il ne comprit goutte au restant des papiers qu’il remit dans le portefeuille.

Cléophas se décida alors à informer le maître de l’hôtel de l’événement tragique qui venait de se passer dans le salon.

L’hôtelier envoya un messager chez le coroner qui ne tarda pas à paraître.

Ce dernier examina le cadavre et posa quelques questions à Cléophas qui y répondit avec un aplomb imperturbable, disant qu’il avait été engagé comme valet du comte pendant qu’il était à Montréal.

Un jury fut assermenté et l’enquête commença.

Un médecin fut appelé à rendre son témoignage et jura que la mort du comte de Bouctouche avait été causée par une maladie de cœur.

Règle générale, à une enquête de coroner, lorsque le médecin ignore la cause de la mort il l’attribue à une maladie du cœur.