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avec un essuie-mains et de l’eau chaude dans une terrine de fer-blanc.

Ursule lui dit :

— Sors vite et essaie de le poigner. Laisse-moi seule ici, je pourrai me soigner moi-même.

Bénoni sortit et se mit à courir sur le chemin du village dans l’espoir de rattraper le meurtrier.

Cléophas, après avoir essuyé le coup de feu de l’inconnu, s’était retourné vivement, mais la fumée qui avait suivi l’explosion de l’arme lui avait empêché de voir la figure du malfaiteur.¸

Ce dernier avait pris les jambes à son col et avait disparu en arrière de la maison. Il descendit la côte à la course et se cacha en arrière d’un massif de petits snelliers. Voyant que Cléophas le cherchait dans la direction qui aboutit au pont, il se mit à quatre pattes dans la vase, les cailloux et les écopeaux qui bordent la grève et se rendit jusqu’au bôme qu’il traversa ensuite à la course.

Caraquette, car c’était lui, qui n’avait pas reculé devant un meurtre pour mettre la main sur les papiers du comte de Bouctouche que Cléophas allait rendre à la comtesse, entra dans le village en suivant un petit sentier aboutissant au chemin près du presbytère.

Il reprit son air calme et composé et se rendit jusqu’au moulin à farine un peu plus bas que le pont. Là il essuya la sueur qui perlait à grosses gouttes sur son front et s’assit sur un billot.

Il réfléchit quelques instants, puis il sembla prendre une résolution subite. Il se leva et alla se placer près du premier caisson du pont. Caraquette savait que Cléophas en retournant à l’hôtel devait passer par là et il se proposa de lui loger dans la tête les dragées qui restaient dans son revolver.

Le ciel commençait à se barbouiller et la lune venait de se masquer au-dessous d’un épais nuage.

Cléophas de son côté avait couru dans la direction du pont en suivant le trottoir qui longe la route publique. Il espérait rejoindre l’assassin avant qu’il eût le temps de disparaître. Il s’engagea sur le pont et au moment où il allait déboucher sur la rive opposée, un deuxième coup de feu retentit et une balle passa à travers la calotte de son feutre. Le coup avait été tiré du côté du moulin à farine à quelques pas du pont.

Il se retourna, mais il ne put voir l’assassin.

Il sauta sur le terrain du moulin croyant que son lâche agresseur avait cherché un refuge à quelques pas de là. L’obscurité était