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Page:Berthelot - Les origines de l'alchimie, 1885.djvu/47

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LES ORIGINES MYSTIQUES

Dans la douzième vision, au milieu des ministres de leurs crimes, apparaissent, par une assimilation presque spontanée, les agents des sciences maudites et les « alchimistes ».

Leconte de Lisle a repris le mythe des enfants d’Enoch et de Caïn, à un point de vue plus profond et plus philosophique. Après avoir parlé d’Hénokia :

La ville aux murs de fers des géants vigoureux…
Abîme où, loin des cieux aventurant son aile,
L’ange vit la beauté de la femme et l’aima…

le poète oppose, comme Lucrèce, au Dieu jaloux qui a prédestiné l’homme au crime, la revanche de la science, supérieure à l’arbitraire divin et à la conception étroite de l’univers théologique :

J’effondrerai du ciel la voûte dérisoire…
Et qui t’y cherchera ne t’y trouvera pas…
Dans l’espace conquis les Choses déchaînées
Ne t’écouteront plus quand tu leur parleras.

Il y avait déjà quelque chose de cette antinomie, dans la haine contre la science que laissent éclater le livre d’Enoch et Tertullien. La science est envisagée comme impie, aussi bien dans la formule magique qui force les dieux à obéir à l’homme, que dans la loi scientifique qui réalise, également malgré eux, la volonté de l’homme, en faisant évanouir jusqu’à la possibilité de leur pouvoir divin. Or, chose étrange, l’alchimie, dès ses origines, reconnaît et accepte cette filiation maudite. Elle est d’ailleurs, même aujourd’hui classée dans le recueil ecclésiastique de Migne parmi les sciences occultes, à côté de la magie et de la sorcellerie. Les livres où ces sciences sont traitées doivent