Page:Bertheroy - La Ville des expiations.pdf/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tuné, Clair avait élevé une famille. Antoine, l’aîné, intelligent, curieux de science, décidé à conquérir un sort meilleur, n’avait pas tardé à devenir chef d’ate lier. Quand il avait épousé Madeleine, il avait pu lui offrir le bien-être avec la certitude du lendemain. Ainsi ils avaient vécu dans une concorde étroite, contents de s’appartenir, fiers de ce bonheur qu’ils tissaient de leurs mains diligentes, comme les riches étoffes dont la source originelle est l’humble cocon du mûrier.

Le temps semblait s’être arrêté dans sa course ; si les enfants n’eussent pas grandi si vite, Madeleine se fût toujours cru à son premier matin nuptial ; elle avait conservé cette fraîcheur d’âme, ce ravissement dans l’amour qui n’appartient qu’aux femmes dont le cœur ne s’est jamais partagé. Elle aimait Antoine exclusivement. Elle ne cherchait pas à savoir si en dehors d’elle il prenait quelque plaisir. Il était un mari fidèle, appliqué à la rendre heureuse. Dans ce ménage, les deux fils ne tenaient qu’une place secondaire, laissaient intacte l’intimité des parents ; ils habitaient une zone différente que remplissaient leurs jeux, leurs accords ou leurs disputes. Mme Brichard, tout en les couvrant de sa sollicitude, les sentait encore loin d’elle ; ce fut seulement lorsque son mari mourut, emporté en