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le colosse de rhodes

dépensait ses ardeurs ? Les femmes à Rhodes étaient vertueuses. Celle-ci était une Tyrienne au sang vermeil comme la pourpre liquide dans laquelle on teignait les éblouissantes tuniques des rois. Celle-ci était savante, informée et redoutable, et c’était bien à une de ses pareilles, à une de sa race que le serpent antique avait enseigné les secrets de l’art de séduire dans les jardins enchantés de l’Éden. Elle intriguait le navarque, qui voyait en elle l’énigme de l’éternel féminin. Moins prudent, moins absorbé par le commandement de ses galères, il eût peut-être essayé de s’en rapprocher…

Pour entrer dans le palais d’Isanor, il fit le tour des bassins à flots. La mer clapotait sur les carènes des navires ; le soleil faisait étinceler leurs rostres d’acier. Dans les trirèmes, les rames au repos semblaient des bras croisés sur des poitrines. Les vaisseaux à voiles avaient leurs mâts repliés comme des ailes sur les flancs d’un oiseau qui dort. Mais qu’il fît un signe, lui, le navarque, et tout cela allait se réveiller, s’animer, devenir une force terrible, dévastatrice… Un frisson