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le colosse de rhodes

travaillé, et souvent il allait prendre son premier repas à une petite auberge cachée parmi les citronniers, où l’on buvait le meilleur vin de l’île, et où à toute heure il y avait du poisson frais et des figues mûres. Les goûts modestes de Likès se plaisaient à cette simplicité. Il aimait le silence de ce coin privilégié que la mer caressait de ses vagues douces ; les bruits de la ville n’y parvenaient que comme un murmure indistinct et confus, pareil à une chanson monotone, et les molles sacolèves de l’Orient peuplaient la petite anse où l’eau était si bleue qu’on l’eût dite trempée d’indigo. Lyssa, tout en marchant rapidement vers cet endroit, se rappelait qu’un jour Likès avait exigé qu’elle s’assît près de lui dans l’auberge et que, soulevant sa coupe, il la lui avait approchée des lèvres. Mais la petite Veuve-gardienne avait refusé de boire. Pourquoi ? Un scrupule, comme il lui en prenait quelquefois lorsqu’elle s’éloignait du temple, et que tout à coup le souvenir de ses fonctions saintes lui revenait… Aujourd’hui elle dominerait volontiers ce sentiment d’une délicatesse trop fragile. Si elle