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le colosse de rhodes

étaient usées par l’empreinte des pas des hommes. Une tristesse si morne pesait sur ces pierres vouées jadis à la joie que Lyssa détourna les yeux ; cette tristesse lui semblait plus grande que celle d’un tombeau ou d’un temple abandonné, en lesquels du moins subsiste un peu de vie humaine ou divine.

Elle se hâta d’entrer dans la petite cité. Sur la porte d’une maison basse, elle reconnut deux jeunes filles qu’elle avait remarquées la première fois ; elles étaient occupées à trier des olives dans un bassin de cuivre, et rien n’avait changé dans leurs vêtements, ni sur leur visage. Plus loin, une femme filait, d’un geste machinal, toujours le même ; et dans la cour une sexagénaire tirait de l’eau d’un puits aux arceaux rouillés. On eût dit que par un arrêt du Destin tout s’était immobilisé dans ces rues étroites, sous ces porches peints en violet sombre où Lyssa s’imaginait naïvement qu’on ne devait ni naître, ni mourir. Le baiser s’était enfui de la vieille Lindos, et voilà pourquoi on y respirait un air si morne. C’était là pourtant que Likès avait vécu ses années