les engourdissaient dans une volupté aussi douce que celle dont on jouit pendant le sommeil. Il était bien rare que l’une des Veuves-gardiennes quittât le temple avant l’heure fixée par le grand prêtre. Entre elles des amitiés ferventes se nouaient ; mais rarement elles échangeaient des confidences sur leur passé. Il semblait qu’en prenant la robe soyeuse frangée d’or — presque semblable à celle que portaient les Héliades, — elles eussent en même temps mis dans leur poitrine un cœur sans désir et nouveau.
L’aube claire naissait dans l’Aleïon ; au-dessus de la flamme du trépied tournoyait une impalpable poussière blanche. Lyssa, la plus jeune des Veuves, dit à Dornis la Crétoise qui veillait avec elle.
— Cette nuit m’a semblé longue ; elle a pesé sur moi autant que pèse sur un mort la pierre du sépulcre. Veux-tu, Dornis, que nous sortions tout à l’heure dans la ville, lorsque le jour sera entièrement levé ?
— Pourquoi faire ? répondit Dornis, d’une voix tranquille. Les rues seront pleines encore de l’animation de cette nuit de fête. Les pierres sueront l’odeur des