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le colosse de rhodes

ne pouvait le regarder sans que le désir d’être riche, d’être puissant, d’être glorieux, ne montât au cerveau comme une fumée épaisse. Il était l’aimant irrésistible auquel tout un peuple était suspendu.

En l’apercevant, Likès avait eu un mouvement d’orgueil. Bientôt ce géant, il pourrait le contempler face à face ; il pourrait lui dire : « J’ai, moi aussi, monté les degrés qui séparent de la multitude ; toi sur ton piédestal de marbre, moi au sommet de cet Arsenal qui se dresse devant l’horizon, nous avons tous deux accompli notre destin… » Mais un autre sentiment aussitôt s’empara de lui : ses regards venaient de tomber sur la porte de l’hôtellerie où, dans l’ivresse de son désir, il avait entraîné Lyssa la nuit des fêtes du Taurobole. C’était une petite auberge étroite et obscure où descendaient de préférence les matelots d’Égypte, et qui gardait l’odeur des basses orgies, du vin épais et des baisers crapuleux. Cependant la petite amante, vierge d’âme, qui s’était donnée à lui, avait rempli ce lieu d’un souvenir frais et pur comme un parfum de verveine. Et Likès, en passant devant cette porte