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les vierges de syracuse

laquelle il va falloir me donner un morceau d’or qui pèse au moins deux talents.

— C’est facile, dit Dorcas ; l’or ne manque pas dans le Trésor : il y en a presque autant qu’il y a de mauvais désirs dans la cervelle d’un pauvre diable.

Il tourna les talons et alla s’asseoir sur la terrasse qui s’allongeait entre l’enfilade des salles royales et la nappe argentée de la mer. Là, une nourrice de la vallée d’Enna, le visage encadré de lourdes tresses, présidait aux ébats d’Hiéronyme, le petit-fils du tyran. L’enfant, sur les marches lisses, détendait ses membres augustes. Il pouvait avoir huit ans et portait une courte tunique de laine qui lui descendait à mi-jambes. Il ne ressemblait ni à Gélon son père, silencieux et débile, ni à son oncle Andranodore « un homme épais, bouffi de graisse de Sicile » ; encore moins à son puissant aïeul, resté robuste dans la vieillesse. Mais quelque chose de lascif et de félin, l’extraordinaire vivacité de ses petits yeux couleur de noisette, évoquaient l’idée d’une origine pan-Sylvestre, d’une parenté vague avec les chèvres et les satyres. Et il riait, le méchant enfant, en montrant ses dents aiguës, quand la nourrice d’une voix dolente, pour le faire tenir tranquille, feignait de le menacer du Cyclope. « Il va venir, disait-elle, il va venir, Polyphème, avec sa grosse tête et son œil unique. — Bon ! répliquait l’enfant, qu’il vienne ! Tu le feras asseoir