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les vierges de syracuse

mort. Dorcas, avant de s’en approcher, fut saisi d’une crainte mystérieuse ; il lui semblait que le prendre entre ses bras serait une profanation. Pourtant l’Éponyme lui avait donné tout pouvoir ; la défense séculaire et formidable qui interdisait à tout homme de toucher même à la frange du manteau des Vierges avait été levée pour lui. Il avança ; mais au dernier moment il hésita de nouveau ; il venait d’apercevoir autour du front de Praxilla un mince cercle d’or qui révélait sa dignité supérieure. Il n’y avait pas à en douter : c’était l’hiérophantide elle-même, la première des servantes de la Déesse, qui gisait là comme une pâle fleur sur les eaux ! Un flot de sang violemment parcourut ses membres, fit battre à la fois toutes ses artères. Enfin il vainquit son trouble et, comme il eût pris sur l’autel un vase sacré, il saisit avec respect le corps de la Vierge.

Que ce corps était léger et impalpable presque entre ses bras ! On eût dit que le souffle seul de l’esprit en avait modelé les contours, et que nulle autre substance, si ce n’est celle de l’âme impondérable et divine, n’en avait jamais habité la forme ; — si bien que Dorcas serrait contre sa poitrine son précieux fardeau, de peur de le voir glisser et lui échapper, comme s’échappe dans l’éther le papillon aux ailes faites d’un souffle, la Psyché immatérielle qui symbolise l’envol des âmes.