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ximénès

pour réussir là où notre saint évêque Talavera lui-même a échoué. »

Le silence se fit dans le cortège. On arrivait au faubourg de l’Albaycin, le plus bruyant et le plus populeux de la ville, et il importait de le traverser avec majesté, pour en imposer aux huées malveillantes. Une dernière fois, sur la place la plus élevée, l’édit fut lu solennellement, à voix haute, répercuté mot à mot par l’écho des deux autres collines où se dressaient les Tours Vermeilles et l’Alhambre.

Il était cinq heures du soir lorsque le comte de Tendilla, les hérauts et les hommes de la milice rentrèrent dans le palais. La foule tumultueuse les avait suivis à distance jusque dans le paseo des Alamedas.

À la même heure, Ximénès de Cisneros, indifférent au bruit qui lui arrivait à travers les légers vitrages de la fenêtre de sa chambre, méditait un manuscrit de la Bible ouvert devant lui sur une table. Il ne leva la tête que lorsqu’un cordelier, entré sans bruit, vint s’agenouiller à ses pieds et baiser le bas de sa robe,

« Eh bien ! père Ruys, interrogea l’Archevêque, que disent-ils ?

— Je crois que Votre Révérence aurait frappé juste, n’étaient les chefs et surtout un certain chevalier Zegri, qui mènent grand tapage dans la ville, et excitent les Mores contre les Rois Catholiques, en disant que ce n’est point avec de l’or qu’on achète la foi des fils de Mahomet.

— C’est bien ! fit Ximénès sans se troubler. Ce sont ceux-là que nous gagnerons les premiers. »