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ximénès

Le père Ruys était un petit moine gras et souriant ; sa tête ronde et rasée émergeait, comme une pomme luisante, de la couronne franciscaine : il avait l’œil vif et papillotant, la riposte prompte.

« Pour ce qui est des Alfaquis, comme ils appellent leurs docteurs, continua-t-il, on pourrait encore s’entendre. Ce sont d’enragés bavards et la perspective de discuter avec Votre Révérence dans la langue même de leur prophète les attirera certainement jusqu’ici. Mais les chefs adalides et surtout le chevalier Zegri, à moins qu’ils ne soient touchés par la grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur (il se signa du pouce droit sur son scapulaire, à la hauteur du cœur), ne se laisseront pas entraîner aussi facilement, je le crains.

— En ce cas, père Ruys, on s’emparera du chevalier Zegri ce soir même à la nuit tombante, et on l’amènera dans une des tours de l’Alcazaba, où Pierre de Léon, notre aumônier, sera chargé de le surveiller étroitement. Il importe que cet infidèle n’entrave pas un jour de plus l’œuvre de réconciliation que je suis venu entreprendre. »

Le père Ruys s’inclina :

« Quant aux autres, ajouta Ximénès, je veux que tous sans distinction soient admis à m’approcher librement ; chaque matin les portes de mon palais seront ouvertes et je prêcherai moi-même à tous ceux qui viendront l’Évangile du Christ. »