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ximénès

soie, de filer le verre, de diriger les eaux selon les lois savantes de l’hydraulique. Dans ce palais même de l’Alhambre, en cette salle où les vainqueurs s’étalaient maintenant en maîtres, l’éclatante splendeur de la race musulmane avait mis partout son inimitable sceau. Et Ferdinand, l’œil perdu dans les admirables dentelures soulevées sur les fûts des colonnes de marbre comme un tissu délicat sur un corps de femme, s’était obstinément refusé à ratifier la proposition des Grands.

Le jurisconsulte Carvajal avait alors indiqué un autre moyen : pour réduire au silence le zèle dangereux des Alfaquis, il suffirait d’établir à Grenade un tribunal de censure inquisitoriale, où seraient cités les principaux instigateurs des troubles.

Mais, à leur tour, les seigneurs avaient protesté. Dans le fond, la noblesse espagnole redoutait de voir se propager la puissance formidable du Saint-Office ; elle sentait que ce serait là une des assises sur lesquelles l’absolutisme monarchique allait s’élever. D’ailleurs, des traités avaient été signés entre le dernier roi de Grenade Boabdil Chiquito et les Rois Catholiques pour préserver les Mores des rigueurs de l’Inquisition ; et rompre ces engagements pris serait déchaîner de nouvelles tempêtes.

Les seigneurs s’emportaient, élevaient la voix, ne se gênaient pas pour faire à l’ambitieuse autocratie de Ferdinand des allusions insolentes. Cette fois la discorde était près d’éclater entre les conseillers de la Couronne ; mais Isabelle, dont l’influence était considérable, avait étendu la main et pris la parole à son tour : la situation ne lui semblait pas assez