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ximénès

grave pour qu’il fût besoin de rien changer au système adopté jusque-là. Que voulait-on, en somme ? Ramener au foyer de l’Église les âmes égarées des infidèles. L’heure de la conversion était proche ; déjà la charité de Talavera avait fait des miracles ; mais il fallait plus d’un apôtre pour évangéliser tout un peuple ; et la reine avait terminé son discours en demandant de faire venir à Grenade, pour seconder le zèle du vénérable Talavera, l’illustrissime Ximénès de Cisneros, archevêque de Tolède.

Un silence glacial avait succédé aux discussions animées qui, peu de minutes avant, remplissaient la salle. Talavera seul paraissait adhérer par un léger signe de sa tête branlante aux paroles de la reine ; les seigneurs s’étaient enfermés dans un dédain gros de menaces et Ferdinand, comme à son habitude, semblait absorbé dans des réflexions profondes.

C’est que, depuis sa rapide élévation à l’archevêché de Tolède, Ximénès de Cisneros avait rencontré une opposition formidable dans la noblesse espagnole qui n’admettait pas le partage de ses privilèges. On savait sa naissance obscure, ses commencements difficiles, son séjour précaire en Italie, où, pour trouver des moyens d’existence, il avait dû professer le droit et plaider les causes de ses compatriotes devant les tribunaux ecclésiastiques de Rome. À son retour en Espagne il avait déjà éprouvé l’animosité des Grands : venu à Uceda pour prendre possession d’un bénéfice dont le pape Alexandre VI lui avait octroyé les bulles, le jeune clerc s’était trouvé en compétition avec un autre titulaire protégé par la noblesse et nommé par l’archevêque du diocèse. Or,