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ximénès

s’est arrêté à Tolède et il a sollicité la faveur de travailler quelque temps dans la cathédrale.

— Comment vous appelez-vous, mon fils ? demanda l’Archevêque.

— Alonzo Berruguete.

— Vous êtes bien jeune, poursuivit Ximénés, mais ce que vous faites n’est pas œuvre d’écolier. Vous avez dû cependant avoir un maître. Quel est-il ? »

Un éclair d’orgueil traversa les yeux limpides du jeune sculpteur :

« Mon maitre n’est guère plus vieux que moi, dit-il, et pourtant les villes d’Italie se disputent déjà ses chefs-d’œuvre. Il se nomme Michel-Ange Buonarotti.

— Berruguete, dit Ximénès aussitôt, laissez-là votre ciseau et accompagnez-moi. Je veux vous expliquer ce que j’ai rêvé de tenter ici. »

Alors commença à travers l’immense cathédrale une promenade recueillie et passionnée, entrecoupée de réflexions transcendantes où l’idéalisme de l’art et celui de la foi cherchaient comment s’incarner dans de nouvelles conceptions. Berruguete s’animait en parcourant le vaisseau surchargé de merveilles, aux flancs duquel s’ouvraient des chapelles vides encore, mais fondues dans l’ensemble par l’harmonie parfaite et grandiose des lignes. Avec la foi enthousiaste d’un talent déjà sûr de lui-même, le jeune artiste indiquait ce qu’il faudrait : ici des boiseries délicatement menuisées, là des bas-reliefs sculptés dans la pierre, tout un poème racontant aux fidèles l’histoire des premiers âges