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2e PARTIE. — RENSEIGNEMENTS DESCRIPTIFS

preuves indiscutables de son origine britannique ; tandis que la mention : accent anglais ou absence d’accent anglais, ou encore simulation de l’accent anglais pourraient être des renseignements importants, à défaut d’autres, s’ils s’appliquaient à un inculpé qui prétendrait à cette nationalité et qui serait l’objet d’une enquête judiciaire.

138. — La distinction des principaux accents étrangers, pour peu qu’on ait eu l’occasion d’y familiariser son oreille, est certes plus aisée et plus tranchée que celle des accents provinciaux. Les remarques suivantes serviront, à tout le moins, à diriger l’observation et à fixer le souvenir ; elles sont basées sur cette donnée générale que chaque nationalité transporte dans sa manière de parler une langue étrangère, la prononciation, les règles de grammaire et les tournures de phrases usitées en sa propre langue.

Les Anglais changent la valeur des voyelles ; l’a est fréquemment prononcé comme é, et l’é comme i ; l’u très souvent prend les sons iou ou eu ; les sons nasaux an, in, on et un, qui sont particuliers à la langue française, sont prononcés par eux comme ann’ ou anngne, inne, ingn’, ogne, etc. ; enfin, point caractéristique, ils omettent les r à la fin des syllabes liquides comme ber, ter, por, en allongeant considérablement la voyelle. Exemples : pardon devient pâdonne, mercure devient mêkiouri.

139. — Les Allemands qui, dans leur langue, donnent presque la même valeur au b et au p, au d et au t, au g dur (épelé et toujours prononcé gué en allemand) et au k et surtout au v et à l’f, éprouvent une grande difficulté à modifier cette façon d’articuler lorsqu’ils parlent le français. Guéridon, par exemple, sera prononcé par eux presque comme kériton. De même notre j français, pour lequel la plupart des autres langues ne présentent pas d’articulation exactement équivalente, sera très souvent prononcé ch : le moi joie, par exemple, rappelle singulièrement en leur bouche le son du mot choix.

140. — L’Italien donnera aux mots commençant par un ch, prononcé k en italien, le son de cette dernière lettre, mais plus souvent encore celui de l’s ou du z. Exemple : charmant = sarmant ; chez moi = zé moi ; chaise = kaise. Le j français sera remplacé par un son approchant de z. Exemple : joli = zoli. En un mot l’italien trouve le moyen d’adoucir jusqu’aux consonnes douces.

141. — L’Espagnol, au contraire, arrive à durcir même les consonnes dures ; il prononcera ch comme tch ; z comme ts et donnera au j un son guttural que l’on pourrait qualifier d’y aspiré. Les Espagnols, à l’exception des Castillans, ne font généralement pas de distinction entre le b et le v et ont une tendance à prononcer plutôt b au lieu de v. On dit qu’un des mots français qui présente le maximum de difficulté pour l’Espagnol est celui de voyageur qui sera articulé approximativement comme : boa-ya-yhèr.