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XV
CARACTÈRES D’INDIVIDUALITÉ

usage dans les sciences botaniques et zoologiques, c’est-à-dire prenant pour base les éléments caractéristiques de l’individualité, et non l’état civil qui peut avoir été l’objet d’une falsification.

Remarquons en passant que l’absence de classification naturelle est un reproche qui s’applique également à tous les systèmes d’identification judiciaire qu’on a cherché depuis à opposer à la photographie. Nous citerons entre autres : 1° l’impression des filigranes qui tapissent l’épiderme du pouce, procédé qui serait pratiqué en Chine, paraît-il ; 2° le moulage sur plâtre de la mâchoire que certains dentistes voudraient imposer à nos criminels ; 3° le dessin minutieux des auréoles et des dentelures que présente l’iris humain observé de près d’après la méthode que j’ai proposée il y a une dizaine d’années ; 4° l’empreinte, le moule ou la photographie de l’oreille dont les creux et les reliefs présentent tant de variété individuelle qu’il est presque impossible de trouver deux oreilles humaines identiques, et tant de fixité chez le même individu que la forme en semble immuable de l’enfance à la vieillesse ; 5° le relevé anatomique des marques particulières, grains de beauté, cicatrices, etc.

On a dit depuis longtemps qu’il était impossible de trouver deux feuilles exactement semblables : jamais la nature ne se répète. Choisissez n’importe quelle partie du corps humain, examinez-la et comparez-la avec soin chez divers sujets, et les dissemblances vous apparaîtront d’autant plus nombreuses que votre examen aura été plus minutieux : variabilité extérieure, variabilité interne dans l’ossature, les muscles, le tracé des veines ; variabilité physiologique dans la démarche, les expressions de physionomie, le jeu et la sécrétion des organes, etc.

Le chien qui cherche son maître dans une foule arpente la place en tout sens, le nez à terre, Homère nous raconte qu’après vingt ans d’absence, Ulysse, déguisé en mendiant, ne fut reconnu que par son chien, « le fidèle Argos au flair excellent ». Il y a là évidemment un élément d’individualité, et par conséquent de reconnaissance qui échappe complètement aux sens de l’homme. Mais quelques paroles prononcées d’une voix naturelle et « édisonnées » par un phonographe laisseraient une trace bien convaincante d’identité.

Ainsi la solution du problème de l’identification judiciaire consistait moins dans la recherche de nouveaux éléments caractéristiques de l’individualité que dans la découverte d’un moyen de classification. Certes, je ne conteste pas, pour ne parler que du procédé