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Page:Bertillon - Identification anthropométrique (1893).djvu/93

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LXXXIII
INTERNATIONALISATION

succès complet et indéniable. Tous les hommes de progrès et d’initiative applaudiront à l’introduction dans notre pays de la méthode scientifique de M. Alphonse Bertillon.

N’oublions pas qu’elle a un objet plus vaste que la simple reconnaissance de l’identité des malfaiteurs qui cachent leur véritable état civil.

La constatation de la personnalité physique et de l’indéniable identité des individus arrivés à l’âge adulte répond, dans la société moderne, aux besoins les plus réels, aux services les plus variés.

Qu’il s’agisse de donner, par exemple, aux habitants d’une contrée, aux soldats d’une armée, aux voyageurs allant dans les pays les plus lointains, des notices ou cartes individuelles, des signes récognitifs permettant de déterminer et de prouver toujours quels ils sont ; qu’il s’agisse de compléter par des indications certaines les actes de l’état civil, d’empêcher toute erreur et toute substitution de personnes ; qu’il s’agisse de consigner ces marques distinctives de l’individu dans les documents, titres, contrats, où sa personnalité doit être établie pour son intérêt, pour l’intérêt des tiers ou pour l’intérêt de l’État : le mode de signalement anthropométrique peut trouver sa place.

Qu’il y ait certificat de vie, contrat d’assurance sur la vie ou parfois acte de décès à dresser, qu’il y ait à prouver, à certifier l’identité d’une personne aliénée ou grièvement blessée, ou défigurée, dont le corps aura été en partie détruit, ou sera devenu méconnaissable ou sera difficile à reconnaître, en cas de mort subite ou violente, à la suite d’un crime, d’un accident, d’un naufrage, d’un combat, quelle ne sera pas l’utilité de tracer ces caractères invariables en chaque individu, infiniment variables d’un individu à l’autre, indélébiles au moins en partie, jusque dans la mort !

En un mot, fixer la personnalité humaine, donner à chaque être humain une identité, une individualité certaine, durable, invariable, toujours reconnaissable et facilement démontrable, tel semble l’objet le plus large de la méthode nouvelle.

La portée du problème, comme l’importance de la solution dépasse de beaucoup les limites de l’œuvre pénitentiaire et l’intérêt pourtant bien considérable de l’action pénale à exercer dans les diverses nations.

Il y a là toute une source féconde d’ingénieuses réformes et d’utiles perfectionnements à introduire dans différents domaines. Que d’exemples nombreux ne pourrait-on citer ? Il y a dans la vie sociale des individus un grand nombre de circonstances dans lesquelles leur identité est en jeu. La généralisation du système des signalements anthropométriques et son extension à tous les domaines de la vie sociale rendraient pour ainsi dire impossibles des procès comme celui du claimant Arthur Orton, le faux vicomte Roger Tichborne. La comparaison des mensurations respectives aurait vite fini de démontrer l’imposture.

On n’aura pas encore oublié l’affaire Hoyos-Baron, qui vient de se terminer par l’exécution de Hoyos sur la place publique de Beauvais. On sait que Hoyos s’était fait assurer sur la vie pour une somme fort importante ; à l’effet de toucher la prime, il assassina son domestique Baron, le revêtit de ses propres habits contenant des papiers d’identité et le traîna sur les rails du chemin de fer pour faire croire à un accident. La supercherie fut bien près de réussir : elle eût été