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en bandes fatiguées, sur la carcasse d’un cheval abandonnée par le pialey[1] dans quelque bas-fond verdoyant ; à écouter les lavandières qui faisaient retentir leur rouillot joyeux au bord de Suzon[2] et l’enfant qui chantait une mélodie plaintive en tournant sous la muraille la roue du cordier. — Tantôt je frayais à mes rêveries un sentier de mousse et de rosée, de silence et de quiétude, loin de la ville. Que de fois j’ai ravi leurs quenouilles de fruits rouges et acides aux halliers mal hantés de la fontaine de Jouvence et de l’ermitage de Notre-Dame-d’Étang, la fontaine des Esprits et des Fées, l’ermitage du Diable[3] ! Que de fois j’ai ramassé le buccin pétrifié et le corail fossile sur les hauteurs pierreuses de Saint-Joseph, ravinées par l’orage ! Que de fois j’ai pêché l’écrevisse dans les gués échevelés des

  1. L’écorcheur de chevaux morts.
  2. Torrent qui parcourait autrefois Dijon à ciel découvert. Ses eaux sont reçues aujourd’hui au pied des remparts dans des canaux voûtés. — Les truites du Val-de-Suzon ont de la renommée en Bourgogne.
  3. La chapelle aujourd’hui fermée de Notre-Dame-d’Étang était habitée en 1630 par un cha-