Page:Bertrand, Gaspard de la nuit, 1895.pdf/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tilles[1], parmi les cressons qui abritent la salamandre glacée et parmi les nénuphars dont bâillent les fleurs indolentes ! Que de fois j’ai épié la couleuvre sur les plages embourbées de Saulons, qui n’entendent que le cri monotone de la foulque et le gémissement funèbre du grèbe ! Que de fois j’ai étoilé d’une bougie les grottes souterraines d’Asnières où la stalactite distille avec lenteur l’éternelle goutte d’eau de la clepsydre des siècles ! Que de fois j’ai hurlé de la corne, sur les rocs perpendiculaires de Chèvre-Morte, la diligence gravissant péniblement le chemin à trois cents pieds au-dessous de mon trône de brouillards ! Et les nuits mêmes, les nuits d’été, balsamiques et diaphanes, que de fois j’ai gigué comme un lycanthrope autour d’un feu allumé dans le val herbu et désert, jusqu’à ce que les premiers coups de cognée du bûcheron ébranlassent


    pelain et par un ermite. Ce dernier ayant assassiné son confrère, un arrêt du parlement de Dijon le condamna à être roué vif en place de Morimont.

  1. Nom générique de plusieurs petites rivières qui arrosent le pays de la plaine, entre Dijon et la Saône.