Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/185

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Deffant, Mlle de Lespinasse partageait avec d’Alembert son appartement de la rue Bellechasse. D’Alembert avait dû quitter la rue Michel-Lecomte par ordre de son médecin, le même sans doute qui, douze ans plus tard, ordonnait à M. de Mora, au nom de sa santé menacée à Madrid par l’air natal, de se rapprocher de la rue Bellechasse.

En réalité, Mlle de Lespinasse, quand elle quitta Mme du Deffant, était depuis plusieurs années la maîtresse de d’Alembert. Le géomètre savait compter. Lorsqu’en 1776 il perdit son amie, son désespoir s’exhala dans des pages qu’il n’a pas détruites. Depuis huit ans au moins — elle lui en a légué la preuve — il n’était plus le premier objet de son cœur. « Qui peut me répondre, s’écrie-t-il après cette affligeante lecture, que pendant les huit ou dix autres années que je me suis cru tant aimé, vous n’avez pas trompé ma tendresse ! »

Il est impossible d’en douter. D’Alembert, au moment où il repoussait sans hésitation les offres brillantes de Frédéric, avait acquis déjà le droit de considérer comme une trahison la tendresse de Julie pour un autre.

Une lettre à Voltaire datée de 1760 nous apprend que d’Alembert et Mme du Deffant s’étaient brouillés déjà. Il écrivait à Voltaire seize ans avant la mort de son amie, au début par conséquent de leur intimité :

« À propos, vraiment, j’oubliais de vous dire que je suis raccommodé vaille que vaille avec Mme du Deffant. »