Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/186

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Le seul personnage important pour d’Alembert — nous le savons aujourd’hui — était alors Mlle de Lespinasse ; elle demeurait chez Mme du Deffant ; quand d’Alembert qui s’était éloigné y retourne, c’est elle évidemment qui le ramène.

Lors donc que Mme du Deffant s’écria : « Sans elle, j’aurais conservé d’Alembert », il y a lieu de croire qu’elle se faisait illusion.

Mme du Deffant n’était aveugle que des yeux ; elle avait deviné la passion de d’Alembert, sans doute aussi elle la savait partagée ; ces faiblesses, pour elle, étaient choses toutes simples. C’est par elle que Voltaire en fut instruit ; une de ses lettres y fait allusion. D’Alembert, sans rien avouer, lui répond :

« Si vous êtes amoureux, dites-vous, restez à Paris. À propos de quoi me supposez-vous l’amour en tête ? Je n’ai pas ce bonheur ou ce malheur-là. J’imagine bien qui peut vous avoir écrit cette impertinence et à propos de quoi ; mais il vaut mieux qu’on vous écrive que je suis amoureux que si l’on vous écrivait des faussetés plus atroces dont on est bien capable. On n’a voulu que me rendre ridicule. »

L’influence de Mlle de Lespinasse sur d’Alembert à partir de leur réunion a été de tous les instants. Il aimait à l’associer à ses travaux ; dérobant à peine quelques heures pour la géométrie, son ancienne maîtresse, il ne se plaisait plus qu’à des œuvres légères, auxquelles son amie prenait part. La main de Mlle de Lespinasse dans ses manuscrits — on pourrait dire dans leurs manuscrits — est sans cesse mêlée