Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/189

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ce sont les fautes de l’amour, ce ne sont plus les miennes ». Après avoir offert son cœur à d’Alembert et s’être donnée à lui jusqu’à être effrayée de son bonheur, envahie par une passion irrésistible, elle a aimé M. de Mora sans mesure et plus que sa vie. Subjuguée plus tard par M. de Guibert, qui semblait lui faire une grâce, elle a déchiré tous les voiles de son âme dans un long cri de douleur et d’amour. Les remords exaltaient sa tendresse pour M. de Mora, sans lui donner la force d’avouer à d’Alembert que son cœur battait pour un autre.

Elle est morte désespérée, en associant avec tristesse et confusion dans ses souvenirs et dans ses regrets sa tendresse exaltée pour M. de Mora qui venait de mourir à Bordeaux, son amour pour M. de Guibert qui s’était marié, et sa vive affection pour d’Alembert dont elle brisait le cœur.

Il faut de l’éloquence pour expliquer tout cela. Mlle de Lespinasse en avait beaucoup ; elle n’a pas réussi à le faire aimer.

M. de Mora, fils de l’ambassadeur d’Espagne, était très beau, son cœur était sensible, et sa fortune immense lui permettait d’être généreux et magnifique ; mais ce n’est pas par là que Mlle de Lespinasse était accessible. Ce cœur incapable de lutter et avide d’émotions, dans lequel d’Alembert avait pénétré pas à pas, s’ouvrit tout entier aux premiers regards du jeune Espagnol. Elle ne put ni ne voulut lui cacher son trouble. M. de Mora ne résista pas. Pendant une de ses absences, d’Alembert vit arriver