Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/190

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en dix jours vingt-deux lettres adressées à Mlle de Lespinasse. Il ne devina rien.

M. de Mora retourna en Espagne. Julie lui écrivait chaque jour, attendait les réponses avec une impatience fébrile et, les jours de courrier, envoyait à la poste le bon d’Alembert pour les recevoir quelques heures plus tôt. Le chagrin la rendait dure et blessante. Sa tendresse pour d’Alembert se changeait en éloignement et en aversion. Il faisait tout pour la distraire et combattre son humeur inégale et chagrine. Il la conduisit un jour à un dîner littéraire ; elle y rencontra M. de Guibert, dont les succès ou, pour parler mieux, les promesses attiraient alors tous les regards. Ses admirateurs sur ses premiers essais en divers genres prédisaient en lui, tout ensemble, le successeur de Bossuet, de Corneille et de Condé : il ne remplaça que M. de Mora dans le cœur de Mlle de Lespinasse.

Le lendemain de sa première rencontre, Mlle de Lespinasse déjà vaincue écrivait à Condorcet : « J’ai fait connaissance avec M. de Guibert, il me plaît beaucoup ; son âme se peint dans tout ce qu’il dit, il a de la force, de l’élévation, il ne ressemble à personne ».

Quelques jours après, dans une autre lettre à Condorcet :

« Je voudrais que vous lussiez le discours préliminaire de l’ouvrage de M. de Guibert, je suis sûre qu’il vous ferait grand plaisir. »

Mlle de Lespinasse ajoutait : « J’ai vu M. de