Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/206

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cet art, quoique peu commun, est pourtant bien simple chez vous ; il consiste à ne jamais parler de vous aux autres, et beaucoup d’eux. C’est un moyen infaillible de plaire ; aussi plaisez-vous généralement, quoiqu’il s’en faille de beaucoup que tout le monde vous plaise : vous savez même ne pas déplaire aux personnes qui vous sont les moins agréables. Ce désir de plaire à tout le monde vous a fait dire un mot qui pourrait donner mauvaise opinion de vous à ceux qui ne vous connaîtraient pas à fond. Ah ! que je voudrais, vous êtes-vous écriée un jour, connaître le faible de chacun ! Ce trait semblerait partir d’une profonde politique et d’une politique même qui avoisine la fausseté : cependant vous n’avez nulle fausseté ; toute votre politique se réduit à désirer qu’on vous trouve aimable, et vous le désirez, non pas par un principe de vanité dont vous n’êtes que trop éloignée, mais par l’envie et le besoin de répandre plus d’agrément dans votre vie journalière.

Si vous plaisez généralement à tout le monde, vous plaisez surtout aux gens aimables ; et vous leur plaisez par l’effet qu’ils font sur vous, par l’espèce de jouissance qu’éprouve leur amour-propre en voyant à quel point vous sentez leurs agréments ; vous avez l’air de leur être obligée de ces agréments comme s’ils n’étaient que pour vous, et vous doublez pour ainsi dire le plaisir qu’ils ont de se trouver aimables.

La finesse de goût qui se joint en vous au désir continuel de plaire, fait que, d’un côté, il n’y a jamais rien en vous de recherché, et que de l’autre il n’y a