Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/211

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Ce n’est peut-être pas la meilleure manière de les servir ; mais tant de gens abandonnent leurs amis lors même qu’ils pourraient et devraient les défendre, qu’on doit savoir gré à votre amitié de fuir et d’abhorrer cette lâcheté, même jusqu’à l’excès.

L’espèce de mouvement sourd et intestin qui agite sans cesse votre âme, fait qu’elle n’est pas aussi égale qu’elle le paraît, même à vos amis. Vous avez souvent de l’humeur et de la sécheresse, mais, par une suite de votre désir général de plaire, vous ne la laissez guère paraître qu’à l’auteur de ce portrait : il est vrai que vous rendez justice à son amitié en ne craignant point de vous laisser voir à lui telle que vous êtes ; mais cette amitié se croit obligée de vous dire que la sécheresse et l’humeur vous déparent beaucoup à tous égards. Ainsi, pour l’intérêt même de votre amour-propre, l’amitié vous conseille d’avoir le moins de sécheresse et d’humeur que vous pourrez, à moins que vos amis ne le méritent, ce qui doit leur arriver bien rarement, grâce aux sentiments si profonds et si justes dont ils sont pénétrés pour vous.

Vous convenez de cette maudite sécheresse, et c’est bien fait à vous ; ce qu’il y aurait encore de mieux à faire, ce serait de vous en corriger.

Pour vous en dispenser, vous cherchez à vous persuader qu’elle est incorrigible et qu’elle tient à votre caractère : je crois que vous vous trompez là-dessus et qu’elle tient bien plutôt à la situation où vous êtes. Vous étiez née avec une âme tendre, douce et sensible ; vous ne l’avez que trop éprouvé, et les