Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/213

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celui là, le désir banal de plaire à tout le monde : pour ce défaut-là, vous le tenez beaucoup plus que l’autre de la nature ; elle vous a donné dans l’esprit les qualités les plus faites pour plaire, de la noblesse, des agréments et de la grâce ; il est tout simple que vous cherchiez à en tirer parti, et vous n’y réussissez que trop bien. Je ne connais personne, je le répète, qui plaise aussi généralement que vous, et peu de personnes qui y soient plus sensibles ; vous ne refusez pas même de faire les avances quand on ne va pas au-devant de vous ; et sur ce point votre fierté est sacrifiée à votre amour-propre : assez sûre de conserver ceux que vous avez acquis, vous êtes principalement occupée à en acquérir d’autres ; vous n’êtes pas même, il faut en convenir, aussi difficile sur le choix qu’il vous conviendrait de l’être. La finesse et la justesse de votre tact devrait vous rendre délicate sur le genre et le choix des connaissances ; l’envie d’avoir une cour et ce qu’on appelle dans le monde des amis, vous a rendue d’assez bonne composition et les ennuyeux ne vous déplaisent pas trop, pourvu que ces ennuyeux-là vous soient dévoués.

Les noms, les titres ne vous en imposent pas ; vous voyez les grands comme il faut les voir, sans bassesse et sans dédain. L’infortune vous a donné cet orgueil respectable qu’elle inspire toujours à ceux qui ne la méritent pas. Votre peu d’aisance et la triste connaissance que vous avez acquise des hommes, vous font redouter les bienfaits dont le joug est si souvent à craindre pour les âmes bien