Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/60

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rement les raisonnements si glissants et si fins du calcul des chances. Quant au paradoxe du problème de Saint-Pétersbourg, il disparaît entièrement lorsqu’on interprète exactement la réponse du calcul : une convention équitable n’est pas une convention indifférente pour les parties ; cette distinction éclaircit tout. Un jeu peut être à la fois très juste et très déraisonnable. Supposons, pour mettre cette vérité dans tout son jour, que l’on propose à mille personnes possédant chacune un million de former en commun un capital d’un milliard, qui sera abandonné à l’une d’elles désignée par le sort, toutes les autres restant ruinées. Le jeu sera équitable, et pourtant aucun homme sensé n’y voudra prendre part. En termes plus simples et plus évidents encore : un très gros jeu est insensé sans être inique.

Le problème de Saint-Pétersbourg offre, sous l’apparence d’un jeu très modéré, dans lequel on doit vraisemblablement payer quelques francs seulement, des conventions qui peuvent, dans des cas qui n’ont rien d’impossible, rendre la perte colossale.

Les plus grands géomètres ont écrit sur le calcul des probabilités ; presque tous ont commis des erreurs : la cause en est, le plus souvent, au désir d’appliquer des principes à des problèmes qui par leur nature échappent à la science.

D’Alembert commet la faute opposée : il nie les principes. Imposer aux hasards des lois mathématiques est pour lui un contresens ; il rejette le pro-