Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/279

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d’un saint, l’image de saint Jean, patron du village abandonné, était debout dans une niche, et l’on avait allumé une lampe devant la face du saint. A la lueur de cette lampe, une matrone lisait dans un psautier, et les femmes répondaient dévotement à voix basse ; mais les jeunes filles tournaient de temps à autre un regard distrait et furtif du côté de quelques jeunes hommes qui rôdaient derrière les colonnes, en leur faisant des signes d’amitié.

Les vieillards chopinaient près de la porte de l’étable, où l’on avait pratiqué un guichet étroit pour pouvoir, au besoin, écouter et jeter un coup-d’œil dans les bois. Une sentinelle se tenait à ce guichet.

La nuit était noire. Des bouffées de vent s’engouffraient dans les combles du gothique édifice. Robin le tisserand, qu’on avait envoyé au point du jour à la découverte, n’était point encore revenu à minuit. Sa femme se désolait ; les buveurs formaient mille conjectures à son égard. Était-il prisonnier ou mort? C’était la question.

— « Robin aura pu rencontrer quelques Anglais, dit l’un, et il sera mort plutôt que de se mettre à leur merci.

— Eût-il mieux fait, répondit un autre, de crier : Vive Lascastre! et de baiser la casaque d’un Anglais?

— Dieu le garde de pareille lâcheté ! répliqua le premier buveur ; mais il coûte peu de se détourner :