Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/284

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parce que les brocs étaient vides, et que les verres étaient cassés.

— Qu’on l’accroche à l’orme de saint Jean ! » s’écria Robin.

On s’empara aussitôt du nain qui sentit alors seulement les fumées du vin s’exhaler de son petit cerveau. On le traîna, la corde au col, hors de l’étable, au pied d’un grand orme aux rameaux duquel pendait une corde ; il demanda alors, pour grâce dernière, qu’on lui permît de sonner une fanfare, ce qui lui fut accordé; sa trompe qu’il emboucha murmura des sons lugubres et prolongés.

— « Il ne vient pas ! dit-il tristement ; il faut donc être pendu seul !

— Qui appelles-tu? dit Robin.

— Mon frère, répondit le nain.

— Console-toi, répliqua Robin ; j’ai vu le corps de ton frère que les loups déchiraient à la lisière du bois.

— Je meurs content ! » dit le nain, et il ricana horriblement.

La matrone qui tenait la lampe l’éleva à la hauteur de son front ; on hissa la corde, et le nain demeura suspendu et sans vie.

Robin raconta comment, confondu parmi les fuyards, il avait à travers champs gagné Poitiers, et comment il avait lancé sa dernière flèche, du haut des murailles de la ville, contre les Anglais qui enfonçaient déjà les portes.