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Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/287

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— « Ce sont, je pense, dit le vieux père, les torches des pêcheurs d’anguilles et d’écrevisses, dont les barques se sont donné rendez-vous au pied du Voralsberg.

— Mon père, dit un jeune homme aux cheveux blonds, permettez-moi de descendre avec Brandt jusqu’au moulin ; le meunier nous apprendra sans doute ce que signifie tout cela. »

Le jeune homme embrassa son vieux père, et sortit. Cette clarté lointaine s’éteignit par degrés ; la fenêtre fut refermée, et les enfants, formant mille conjectures à leur façon, revinrent à leurs jeux et à leurs études.

Chacun reprit sa place autour de la grande table, sur laquelle se voyaient pêle-mêle des cartes de géographie, des livres, des compas, des sphères et des boites de couleurs. Le vieux père poursuivant sa leçon un moment interrompue, leur disait comment l’homme bienfaisant et charitable qui console le pauvre et l’orphelin, est le plus fidèle portrait de la Providence ; comment le riche a été placé en cette vallée de larmes et d’infortunes pour prêter secours à ses frères qui chancèlent ; comment celui-là qui, le pouvant, se dispense de donner l’aumône, ne jouira jamais de la présence de son créateur.

Les enfants d’abord fort attentifs, commencèrent bientôt à bâiller, à rire en tapinois, à se faire des mines toutes plus drôles les unes que les autres. Le vieux père qui feignit de ne point s’apercevoir de ce