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Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/297

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parées et séduisantes, ouvraient des cafés publics dans les passages les plus riches de la ville : les parfums les plus doux, les odeurs les plus suaves embaumaient l’air qu’on y respirait ; des baladins jouaient, chantaient, en s’accompagnant d’une musique délicieuse ; dans ces cafés où ne régnait d’autre confusion que celle des langues, il arrivait souvent de voir à la même table des Français, des Italiens, des Anglais et des Allemands se parler et ne se comprendre point. A côté des somptueux hôtels se montraient de sales et laides gargotes et de sombres tavernes. Des Bohémiens avaient élevé des huttes à l’extrémité du pré qui touche à la montagne, et établi des fourneaux et des marmites en plein air ; ils rôtissaient les viandes, trempaient la soupe aux matelots et aux mendiants, et vendaient des galettes et des gâteaux aux petits enfants. Fort prudent cependant aux filous et à leurs adhérents d’agir à la sourdine : des patrouilles, nuit et jour, les suivaient à la piste. En 1769, il y avait eu un arrêt d’attribution qui permettait au prévôt, assisté de son lieutenant et de ses assesseurs, de juger en dernier ressort, durant la foire, les vagabonds et gens sans aveu. Son tribunal était permanent : un escroc était-il saisi la main dans le sac ? il était fustigé publiquement, une heure après le délit commis. Mais bien peu se laissaient prendre, malgré toute la vigilance des archers. Cependant voici la veille de la foire, 21 juillet, fête