Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/296

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flottaient au-dessus des autres pavillons. Toutes avaient une enseigne : celle qui avait remporté le prix ne manquait jamais de suspendre à son plus haut mât la peau du mouton remplie de paille ; d’autres attachaient à leurs poupes un gril de fer ; d’autres un chapeau, un sac vide ; quelques-unes une femme de paille assise dans une chaise. Ces signes servaient à les désigner et à les reconnaître. Autant de barques, autant d’enseignes différentes. A coup sûr, le tableau produit par cette variété de barques de structures et de formes étrangères, aux cordages plus ou moins multipliés, aux mâts plus ou moins élevés, ne le cédait en rien à celui que présentait le pré Sainte-Magdeleine.

On estime que le nombre de ceux qui se rendaient à la foire de Beaucaire, soit par curiosité, soit pour affaires de commerce, s’élevait à deux millions, dont il faut sans doute rabattre quelque chose. En effet, les avenues, les faubourgs de la ville, l’avant-veille et la veille du jour de l’ouverture de la foire, regorgeaient déjà d’une foule de gens, les uns à pied, les autres en voiture ou à cheval, qui n’avaient pu trouver de logements : on tenait les chevaux liés au piquet, et il y en avait qui, tout le temps de la foire, couchaient dans leurs voitures, ou même à la belle étoile.

Ce n’étaient, comme on pense, tous gens de bien : des filous et des courtisanes se donnaient la main. Ceux-là se trouvaient toujours au milieu des foules, dans la grande rue du pré, aux églises ; celles-ci