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Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/306

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langui, et s’est obscurci. Qu’on ne nous dise plus que cet astre avait fermé son cercle, et ne pouvait ainsi courir plus loin. L’usurpation du classique n’avait trompé les yeux que le premier jour par son éclat ; mais bientôt on reconnut la fraude : on n’osait pourtant se plaindre tout haut du joug, parce que c’était une puissance ; maintenant cette étrangère cède le trône à l’enfant nourri par Dieu lui-même dans le sanctuaire, et cet enfant, de naissance royale, dont nos aïeux ont connu les aïeux, croît chaque jour en sagesse et en prodiges.

Ce qui s’est rencontré dans la littérature des modernes s’était déjà montré dans celle des anciens. On n’est jamais allé plus loin que le premier essai. Ne nous arrêtons qu’à l’épopée proprement dite. L’Enéide égale-t-elle 1’’Iliade? La Henriade, ou Philippe-Auguste, vaut-il la Jérusalem délivrée, bien que cette dernière œuvre ait été taillée d’après les anciens? Quels en sont les motifs ?

Quand Homère chantait ses vers, la pensée toujours héroïque des hommes ne se manifestait que par des actions : ces pensées une fois efféminées et rabaissées par la civilisation, elles ne s’exprimèrent plus que par des paroles. Homère avait peint des hommes qu’il avait vus semblables à des dieux, et les avait bien peints. Virgile vit des hommes qui ressemblaient à des hommes comme des dieux, et Virgile les peignit mal. Homère eut le génie de l’époque qu’il connut.