Peur, de Philippe-le-Bon et de Charles-le-Téméraire, avec ses maisons de torchis à pignons pointus comme le bonnet d’un fou, à façades barrées de croix de Saint-André ; avec ses hôtels embastillés, à étroites barbacanes, à doubles guichets, à préaux pavés de hallebardes : — avec ses églises, sa sainte chapelle, ses abbayes, ses monastères, qui faisaient des processions de clochers, de flèches, d’aiguilles, déployant pour bannières leurs vitraux d’or et d’azur, promenant leurs reliques miraculeuses, s’agenouillant aux cryptes sombres de leurs martyrs, ou au reposoir fleuri de leurs jardins ; — avec son torrent de Suzon dont le cours, chargé de poncels de bois et de moulins à farine, séparait le territoire de l’abbé de Saint-Bénigne du territoire de l’abbé de Saint-Étienne, comme un huissier au parlement jetait sa verge et son holà entre deux plaideurs bouffis de colère [8] ; — et enfin avec ses faubourg populeux dont l’un, celui de St-Nicolas, étalait ses douze rues au soleil, ni plus ni moins qu’une grasse truie en gésine ses douze mamelles. — J’avais galvanisé un cadavre et ce cadavre s’était levé.
« Dijon se lève ; il se lève, il marche, il court ! trente dindelles carillonnent dans un ciel bleu d’outremer comme en peignait le vieil Albert Durer. La foule se presse aux
8. ↑ Les deux abbayes de St-Étienne et de St-Bénigne, dont les contestations fatiguèrent si souvent la patience du parlement, étaient si anciennes, si puissantes, et jouissaient de tant de privilèges accordés par les ducs et les papes, qu’il n’y avait à Dijon aucun établissement religieux qui ne relevât de l’une ou de l’autre. Les sept églises de la ville étaient leurs filles, et chacune des deux abbayes avait en outre son église particulière. — L’abbaye de Saint-Étienne battait monnaie.