Page:Bertrand - Gaspard de la nuit, éd. Asselineau, 1868.djvu/61

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haute d’une coudée, à la tremblante couronne de fil d’or, à la robe raide d’empois et de perle, la vierge miraculeuse devant qui grésille une lampe d’argent sauta en bas de sa chaire et courut sur les dalles, de la vitesse d’un toton. Elle s’avançait des nefs profondes, à bonds gracieux et inégaux, accompagnée d’un petit saint Jean de cire et de laine qu’embrasa une étincelle et qui se fondit bleu et rouge. Jacqueline s’était armée de ciseaux pour tondre l’occiput de son enfançon emmailloté ; un cierge éclaira au loin la chapelle du baptistère, et alors...

— Et alors ?

— Et alors le soleil qui luisait par un pertuis, les moineaux qui becquetaient mes vitres, et les cloches qui marmonnaient une antienne dans la rue m’éveillèrent. J’avais fait un rêve.

— Et le diable ?

— Il n’existe pas.

— Et l’art ?

— Il existe.

— Mais où donc ?

— Au sein de Dieu ! » — Et son œil où germait une larme sondait le ciel. — « Nous ne sommes, nous, monsieur, que les copistes du créateur. La plus magnifique, la plus triomphante, la plus glorieuse de nos œuvres éphémères n’est jamais que l’indigne contrefaçon, que le rayonnement éteint de la moindre de ses œuvres immortelles. Toute originalité est un aiglon qui ne brise la coquille de son œuf que dans les aires sublimes et foudroyantes du Sinaï. — Oui, monsieur, j’ai longtemps cherché l’art absolu ! O délire ! ô folie ! Regardez ce front ridé par la couronne de fer du malheur ! Trente ans ! et l’arcane que j’ai