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Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/139

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« MORITURI TE SALUTANT »

tenue, étouffée, qui remuait, dans leurs profondeurs, les âmes des chasseurs. Ils se pressaient autour de leur chef, angoissés, la bouche ouverte. La brume et le rideau d’arbres cachaient les autres compagnies : la solitude était complète. Le silence n’était empli que de la voix des batteries.

— Quelle phalange de gladiateurs ! murmura Vaissette.

Fabre poursuivit :

— Nous allons être engagés de nouveau dans quelques heures. Ce sera plus terrible que les batailles où nous avons donné. À ce moment-là, vous ne penserez plus qu’à tenir en vous protégeant, à avancer en vous défilant, à bien viser, à charger, à obéir à vos chefs. Vous ne songerez plus qu’à remplir votre devoir de soldat. C’est maintenant qu’il faut que vous décidiez que votre sacrifice ira jusqu’à la mort.

Ces paroles simples ne dépassaient pas ces âmes simples, qui en saisissaient le sens et le rythme. Et sans doute Lucien n’était-il aussi que l’obscur interprète de la patrie. Par lui parlait la voix de la nation qui allait frapper