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L’APPEL DU SOL

l’oreille de ces hommes. C’était l’appel autoritaire du sol de France, de ses collines et de ses brouillards, de ses plaines, de ses bois, de ses fleuves et de ses montagnes, de sa lumière ardente, des faubourgs de toutes ses cités, des fermes de tous ses villages. C’étaient vingt siècles d’histoire qui soufflaient sur ces têtes, et des centaines de générations dont renaissaient les martyrs, depuis ces soldats des cohortes de Marius, qui écrasaient les Cimbres, jusqu’aux volontaires des régiments de Wimpfen, qui furent anéantis dans le charnier de Sedan. C’était tout cela qui se respirait dans l’air de la journée, dans le frisson des feuilles agitées, dans la voix du jeune officier, dans le bruit continu des détonations. Un frémissement avait saisi cette compagnie. Et c’était le même qui soulevait le bataillon, tous les bataillons de tous les régiments, toutes les divisions, toutes les armées sur cette ligne de feu où ils allaient s’élancer.

— Camarades, poursuivit Fabre, vous avez senti, je le vois, qu’on est heureux de mourir pour la France.

Ce fut tout. Les hommes avaient compris.