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Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/291

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AU CANTONNEMENT

n’avait guère d’idées morales ni politiques, mais c’était un homme excellent. Il possédait l’esprit d’un bourgeois de Louis-Philippe, qui a lu Voltaire et qui est naturellement conservateur ; mais, en France, il sommeille toujours un peu de la grande âme de Don Quichotte au fond intime de ces Sancho Pança. Il n’avait pas l’air bien guerrier avec sa vareuse comprimant un ventre arrondi, et on se le représentait bien mieux en pantoufles qu’en bottes : or, sa conduite, depuis son arrivée au feu, avait provoqué l’admiration du capitaine de Quéré lui-même.

Le lieutenant Richard affirma :

— C’est notre foyer que nous venons défendre. J’en ai le sentiment, bien que cela paraisse, au premier abord, paradoxal.

— Et pourquoi paradoxal ? demanda Vaissette.

— On pourrait croire, répondit Richard, qu’une victoire des Allemands ne troublerait nullement à Toulon l’ordre de mon ménage. Elle ne diminuerait pas la tendresse de ma femme, et ne changerait rien à l’économie de ma maison. En exposant ma vie, je risque au contraire de laisser détruire ce foyer. Et pour-